Chapitre 8 : La liberté du commerce et la concurrence loyale

Parmi les principes fondamentaux du droit, présents dans divers textes dont le préambule de la Constitution, figure la liberté du commerce et de l'industrie. Fondement de la société d'économie libérale, ce principe se décline en plusieurs libertés complémentaires.

I. La liberté du commerce et de l'industrie

A. La liberté d'entreprendre

1°) Le principe et sa portée

La liberté d'entreprendre signifie qu'il est possible à toute personne de créer une entreprise, sans avoir besoin d'une autorisation.

Propre à développer le commerce, l'industrie et les activités de service, cette liberté est à l'origine de la multiplication des entreprises.

C'est la liberté d'entreprendre qui, en favorisant l'instauration d'un marché de concurrence, permet aux clients de disposer d'une offre élargie et de prix tirés vers le bas par la confrontation entre les professionnels.

2°) Les limites à la liberté d'entreprendre

La protection de l'ordre public pose des limites à la liberté d'entreprendre.

Certaines activités sont interdites : on ne peut pas créer une entreprise visant le profit au travers d'une offre de produits ou services portant atteinte à la santé publique (vente de stupéfiants ou de médicaments non autorisés expressément) ou à la moralité publique (jeux clandestins, maison de tolérance).

Certaines personnes ne peuvent pas entreprendre : que ce soit pour une raison d'incapacité (mineur ou majeur en tutelle), à cause d'une incompatibilité professionnelle (fonctionnaires, officiers ministériels ou membres d'une profession libérale réglementée) ou en cas de condamnation à une peine de déchéance commerciale (en cas d'infraction grave, par exemple).

B. La liberté d'exploiter

Le principe de la liberté d'exploiter se traduit par la possibilité pour tout entrepreneur de choisir le marché sur lequel il intervient, le mode d'organisation de son entreprise, sa forme juridique, le recrutement ou non de salariés, le mode de financement de son activité, etc.

Le commerçant ou tout autre entrepreneur mène ses affaires comme il l'entend, puisqu'il assume la responsabilité.

De rares exceptions sont prévues par la loi, toujours au nom de l'ordre public.

Les services d'intérêt économique général (SIEG) sont, dans l'Union européenne, des « services de nature économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d'un critère d'intérêt général ».

En raison de leur nature et spécificité, certains services (ex : service hospitalier et services « répondant à des besoins sociaux essentiels » dont soins de santé, garde d’enfants, accès au marché du travail, logement social et soins et inclusion sociale de groupes vulnérables) peuvent dans une certaine mesure et à certaines conditions déroger aux règles concurrentielles tout en respectant la réglementation européenne.

C. La liberté de concurrencer

Composante essentielle de la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté de concurrencer signifie que chacun peut tenter de développer et conserver sa clientèle en usant de moyens agressifs comme des prix attractifs, une communication dynamique ou une installation de l'entreprise dans la zone de chalandise des concurrents.

Qu'il y ait parfois dans le choix des actions commerciales une déstabilisation des concurrents n'est pas juridiquement répréhensible dès lors que cette liberté ne se traduit pas par le recours à des pratiques déloyales.

II. La loyauté de la concurrence

A. Les comportements loyaux et les comportements déloyaux

La jurisprudence a défini des comportements comme déloyaux, c'est-à-dire portant atteinte à une saine concurrence. Parmi ces comportements fautifs, on peut relever certains cas récurrents :

  • l'imitation d'un signe distinctif d'un concurrent (enseigne, nom commercial, marque déposée, etc.) pouvant créer une confusion dans l'esprit de la clientèle potentielle ;
  • le dénigrement, consistant dans des propos dévalorisant l'entreprise ou l'offre d'un concurrent ;
  • le parasitisme, qui vise à profiter de l'idée d'un concurrent qui a fait ses preuves ;
  • la désorganisation de l'entreprise concurrente, par divers moyens, comme le débauchage d'un salarié.

B. L'action en concurrence déloyale

Les comportements déloyaux de concurrence sont considérés par les juges comme des fautes au sens de l'article 1382 du Code civil définissant la responsabilité délictuelle.

L'action en concurrence déloyale est donc engagée par celui qui estime que l'une de ces fautes lui a causé un préjudice, comme en cas de chute du chiffre d'affaires, de dégradation de l'image de l'entreprise et, plus généralement, de détournement de clientèle.

Selon les règles générales du droit, il revient au demandeur d'établir le lien de causalité entre les faits fautifs qu'il invoque et ce préjudice.

Les juridictions compétentes pour accueillir l'action en concurrence déloyale sont les juridictions de droit privé, civil ou commercial selon la qualification juridique des parties (commerçants, artisans, membres d'une profession libérale, etc.).

Au plan civil, la sanction principale retenue en cas de concurrence déloyale est le paiement de dommages-intérêts. Il s'agit de réparer le préjudice de la victime. Mais d'autres sanctions sont infligées : la cessation immédiate (sous astreinte, éventuellement) des actes déloyaux, parfois la parution d'un avis ou d'un extrait du jugement dans la presse.

C. Le cas particulier de la contrefaçon de marque

La déloyauté d'un concurrent se manifeste parfois par la contrefaçon d'une marque déposée à l'INPI (Institut national de la propriété industrielle).

Il s'agit là d'un délit de droit pénal faisant encourir à son auteur une peine de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, prononcée par le tribunal correctionnel compétent dans cette circonstance.

La contrefaçon de marque consiste à reproduire un vocable, un groupe de mots ou même une forme choisis par une entreprise pour différencier un produit ou un service de ceux des concurrents.

Il existe plusieurs formes de contrefaçon de marque :

  • la copie servile, qui reproduit à l'identique la marque déposée par un concurrent ;
  • l'imitation, par laquelle sont repris certains éléments d'une marque, assez distinctifs pour que la clientèle soit trompée ;
  • la copie ressemblante, qui détourne une marque pour l'appliquer à des produits qui n'ont jamais été designés par elle parce que non compris dans la gamme du concurrent.

L'action en contrefaçon permet à la victime de demander des dommages-intérêts en tant que partie civile. Par ailleurs, l'existence de la contrefaçon va souvent de pair avec la concurrence déloyale.