Chapitre 4 : Quelle est l'efficacité de la politique sociale de l'État

I. La redistribution réduit-elle les inégalités ?

A. Un système fiscal peu redistributif

Le système fiscal a une efficacité relativement limitée du fait de la prédominance de la TVA par rapport à des impôts plus redistributifs comme l'impôt sur le revenu.

En effet, on distingue :

  • les impôts progressifs dont le taux de prélèvement s'élève avec l'augmentation du revenu (ex. : l'impôt sur le revenu, où la progressivité des taux d'imposition est définie par tranches de revenus) ;
  • les impôts proportionnels qui augmentent proportionnellement à la valeur imposée (ex. : la TVA, dont le taux est le même pour tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus).

Le seul impôt réellement progressif en France est l'impôt sur le revenu, qui représente seulement 20% de l'ensemble des recettes fiscales de l'Etat en 2016.

Ainsi, la fiscalité ne s'avère que peu redistributive en France.

B. L'efficacité du système social

Les dépenses de protection sociale réduisent les inégalités du niveau de vie et limitent les phénomènes de pauvreté.

Tout d'abord, elles permettent la couverture du plus grand nombre contre les principaux risques sociaux.

Les prestations sociales assurent leur rôle de redistribution, même si certaines d'entre elles peuvent concerner également des catégories aisées (cadres supérieurs au chômage, allocations pour garde d'enfants, allocations familiales).

En 2015, les prestations ciblées ou minima sociaux (hors allocations chômage) représentent 22% des revenus des ménages les plus modestes (ceux du premier décile).

Pour les seules prestations sociales, certaines sont plus redistributives que d'autres. Par exemple, les prestations familiales participent pour 26% à la réduction des inégalités de niveau de vie en 2015. Elles sont particulièrement importantes pour les plus modestes puisqu'elles constituent globalement 14% du niveau de vie après redistribution des individus du premier quintile (20% les plus pauvres), contre 3% en moyenne sur l'ensemble de la population.

C. L'offre de services publics

Les services publics (de santé, d'éducation ou de logement social) participent grandement à la réduction des inégalités de niveau de vie.

La réduction de la pauvreté et des inégalités économiques est également réalisée par d'autres voies que les transferts monétaires directs : selon une logique universelle, les plus pauvres commes les ménages aisés ont droits aux services gratuits d'éducation ou de santé.

Le caractère redistributif de ces services publics tient notamment au fait que les plus aisés pourraient quand même financer ces services alors que les plus démunis ne le pourraient pas.

Ainsi l'existence d'un service public de santé et de la couverture maladie universelle (CMU) sont d'importants facteurs de redistribution, même si de fortes inégalités de santé et d'accès aux soins existent du fait de la possiblité ou non de souscrire à une mutuelle complémentaire.

Cependant, le caractère redistributif de l'éducation publique est plus limité, car le parcours éducatif des enfants des milieux favorisés (études longues, filières à taux d'encadrement et à coût annuel élevés) est en moyenne plus important que les études d'enfants de milieux modestes.

II. Quelles sont les limites de la politique sociale en France ?

Les mécanismes de la redistribution sont affectés par des difficultés diverses et des effets pervers.

A. Les effets pervers du poids des prélèvements obligatoires

Un taux de prélèment trop élevé (environ 46% du PIB en France en 2014) peut avoir des effets pervers dans un contexte de concurrence internationale.

En renchérissant le coût du travail, le poids des cotisations sociales peut freiner les exportations et aboutir à des délocalisations, à une substitution du capital au travail ou à des difficultés à attirer des entreprise ssur le territoire français, ce qui pénalise la croissance et l'emploi.

De même, le poids des impôts peut aboutir à :

  • une fuite des capitaux (exil fiscal) et ainsi à une perte de recettes fiscales pour l'Etat et à une diminution de la demande sur le territoire ;
  • une fuite des savoirs : les personnes disposant des savoirs et compétences les plus élevées ou spécifiques peuvent être amenées à partir travailler à l'étranger pour échapper à l'impôt en France.

Le système fiscal français se distingue par le poids élevé des cotisations sociales. La France se situe en quatrième position dans l'Union européenne à Quinze pour la part des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) dans le PIB.

Si l'essentiel de la hausse intervenue depuis une trentaine d'années a été affecté principalement au financement de la Sécurité sociale, la part des impôts d'État est en baisse sensible.

Pour certains économistes, il est nécessaire de diminuer le coût du travail, jugé trop élevé en France, pour améliorer la compétitivité des entreprises.

B. Les difficultés de financement de la protection sociale

1°) Le déficit chronique de la protection sociale

Le déficit du régime général de la Sécurité sociale (le "trou" de la Sécurité sociale) désigne l'excédent de ses dépenses sur ses recettes. Il s'explique à la fois par une insuffisance des recettes due à la faiblesse de la croissance et par une hausse des dépenses.

L'essentiel du déficit est concentré sur les branches Maladie et Fonds de solidarité vieillesse.

2°) La progression des dépenses sociales

Les dépenses de protection sociale progressent depuis 50 ans à un rythme supérieur à celui du PIB, avec une accélération récente du fait de la crise.

Cette progression est due au vieillissement de la population aboutissant à l'augmentation des besoins et des coûts en matière d'assurance maladie, de retraite et de dépendance, ainsi qu'à l'amélioration des techniques médicales devenues plus onéreuses.

Le débat porte aujourd'hui sur l'avenir du financement de la protection sociale, devant la montée des besoins et des coûts.

C. La persistance de certaines inégalités et de la pauvreté

La redistribution est confrontée à un problème d'efficacité car la pauvreté ne régresse plus depuis une vingtaine d'années : le taux de pauvreté de 13,8% en 1990 s'élève aujourd'hui à près de 14%.

L'échec scolaire et l'insuffisance de formation sont des facteurs essentiels de pauvreté et d'exclusion. Or, l'origine sociale pèse sur la réussite scolaire : les enfants issus de familles pauvres font nettement moins d'études que les autres.

De plus, si les inégalités diminuent du fait de la redistribution, on constate cependant que les écarts de revenus s'accroissent dans les tranches supérieures.